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La méthode Aunkai, offre des moyens pour forger son corps au travers des pratiques corporelles issues de cursus de certaines écoles anciennes. Par école ancienne, nous entendons les écoles antérieures du point de vue de leur fondation, à la restauration Meiji et à l’édit Haitorei interdisant le port du sabre.

Ces moyens sont condensés dans des formes à mains nues, en apparence d’exécution simple et facilement mémorisables. Dans certains cas, ces formes faisaient partie du répertoire des kata propres à chaque école ou Ryu. Un kata est donc un procédé traditionnel de transmission des principes essentiels d’une école. Il se résume par un enchaînement de techniques codifiées simulant un combat stylisé, basé sur l’expérience de son fondateur, contre plusieurs adversaires imaginaires, pouvant se faire seul ou à deux. Au-delà de la transmission d’un enseignement, il s’agissait pour chaque élève de perfectionner son geste par la répétition de ces séries, tout en cherchant à polir la technique en épurant le mouvement. C’est cette façon d’enseigner qui a été retenue dans la diffusion et la transmission des Gendai Budo, les arts martiaux modernes.

La distinction entre les Koryu Bujutsu et les Gendai Budo, soit entre les techniques guerrières issues des anciennes écoles japonaises et les arts martiaux modernes tient dans la destination qui fait de cet héritage militaro-historico-culturel dans la diffusion universelle de ces techniques. Chaque choix implique un tri, et celui-ci à dû faire des impasses entre les différentes pédagogies d’enseignement. En effet, dans les Koryu Bujutsu à part les kata, était enseigné et pratiqué depuis des siècles des Tandaku Renshu. Sorte d’exercices individuels dans lesquels le pratiquant cherchait à travailler les placements des techniques sans l’aide de partenaire. Dans certaines écoles, l’accent était mis sur la notion d’équilibres, de placements et de perfectionnement gestuel par le biais de concentration et visualisation. Alors que dans d’autres, l’insistance se faisait sur un travail d’alignement postural ayant pour l’objectif la recherche d’une dynamique entre le haut et la bas du corps. Cette dynamique était censée favoriser la force interne grâce à un bon équilibre entre les mouvements et les tensions musculaires. 

C’est dans cette seconde tendance que nous allons cataloguer l’école de Minoru Akuzawa, Aunkai. Elle est le fruit d’expériences de son fondateur qui est allé chercher ses influences, entre autres, parmi les écoles telles que celle de Yagyu Shingan Ryu ou le Sagawa ha Daito Ryu. En effet, si on regarde les liens historiques entre Akiyama Yoshin Ryu et le Daito Ryu, nous ne serons pas surpris de retrouver des similitudes entre ses recherches condensées dans les Tanren et les Nairiki no Gyo de Yoshin Ryu. Mais comme nous le disions précédemment, l’enseignement vient de l’expérience de ses fondateurs.

Le choix des outils, façon d’enseigner, est corollaire au choix de la méthode d’entraînement. Au Japon, il existe plusieurs termes pour désigner l’entraînement dans un Dojo. Le plus courant et le plus utilisé est le terme de Keiko (du verbe examiner/inspecter ce qui est ancien) qui pourrait se traduire par l’étude d’un héritage.  Mais il existe d’autres termes pour désigner l’entraînement comme Shuren (修練 ) et Tanren (鍛錬), qui englobent par rapport à Keiko (稽古)l’idée d’une continuité temporelle, d’une recherche de maîtrise avec dévotion et intensité qu’une telle pratique sous-entends. Le Tanren en effet, doit pétrir, relâcher, purifier le pratiquant.

« Ça ne sert à rien de faire cent Tanren, si vous le faites bien, quatre ou cinq suffisent car après vous n’avez plus de force.” M.A.

Au-delà des choix d’enseignement et de méthodes d’entraînement, nous pouvons préciser la particularité propre à l’Aunkai sur laquelle son fondateur insiste pour pratiquer les techniques. Selon Minoru Akuzawa, il existe deux principes bien distincts:

  • Aïki 合 氣 qui peut se traduire par l’action de fermer le bouton du système de stabilité du corps humain.
  • Naïdo 内動 qui se traduit par bouger de l’intérieur/le mouvement de l’intérieur

   Selon les propos de T. Kimura, Yoshiyuki Sagawa racontait que Takeda sensei maîtrisait les deux principes mais que lui ne les aurait acquis que vers l’âge de 70 ans. Pour M. Akuzawa, l’aïki est une technique au même titre que le naïdo . L’un peut s’acquérir indépendamment de l’autre.

On voit bien la différence entre une activité physique du type sportif à la mode occidentale, qui majoritairement s’apparente à un loisir, ou pour certains à la recherche d’une performance physique et la pratique d’un Gendai Budo qui va chercher à transformer le pratiquant physique et spirituellement dans un cadre d’héritage triptyque militaro-historico-culturel. Et la pratique en Aunkai, se cale bien sur la pratique de Tandaku Renshu dans la pédagogie des Tanren où la recherche de l’entraînement tend en profondeur à acquérir cette forme de corps nécessaire au Bujutsu. Il s’agit de forger un corps martial que les japonais nomment Bujutsutai (武術体)basé sur les principes cardinaux qui sont à la base des Bujutsu pour ensuite, au travers d’exercices avec partenaire, apprendre à les utiliser. Et, où par un cycle continu d’entraînement, la maîtrise croissante engendre l’expérimentation et provoque une innovation grandissante permettant à tendre vers l’acquisition (taitoku 体得) de la technique (jutsu 術).

C’est par l’entraînement qu’on acquiert un corps martial. Rien ne sert d’apprendre mille techniques, quand le corps sera prêt, il sera la technique” M.A.

L’Aunkai est-il un Bujutsu Tanren, un moyen de forger son corps aux travers des pratiques guerrières issues des anciennes écoles ou est-ce un Naïdo Bujutsu, pratiques guerrières énergétiques issues des anciennes écoles? Par notre expérience et notre compréhension, nous pouvons dire que c’est les deux en même temps. Car on ne peut pas acquérir la force interne sans avoir au préalable forger son corps de manière à ce que cette force puisse jaillir de l’intérieur de notre corps.

“Quelque chose qui n’est pas surhumain n’est pas du Bujutsu” M. A.(*) l’idéogramme Ren   : lustrer, pétrir, polir, former se retrouve dans malaxer (métal) 錬る. Il compose par ailleurs le terme alchimie (renkinjutsu 錬金術)

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