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J’ai lu récemment un commentaire dans lequel la raideur des pratiquants français d’Aunkai était sous-entendue. Où plus précisément, le terme « des pratiquants d’Aunkai raide » a été employé.

Il est intéressant d’assister à ce genre de remarque à propos d’une discipline jeune et peu rependue. Plus encore, quand celle-ci est émise par des personnes ne faisant pas partis du cercle français, ni du cercle d’Aunkai tout court. Ce genre de réflexion engendre inévitablement un pseudo débat, initié par curiosité et méconnaissance du sujet, pourrait porter à caution voir à l’amusement.

Je ne veux pas souligner ici une appréciation personnelle basé sur « le peu qu’on a vu », même si la personne ait eu au moins l’occasion d’avoir assisté à un stage, chose qui a le mérite d’être précisé. Encore moins de faire « la levée des boucliers » par puritanisme déplacé. Mais profiter au contraire de cette remarque pour engendrer une réflexion et, tenter d’y voir plus clair.

Comment se rendre véritablement compte des points importants sur lesquelles insiste Akuzawa senseï, et, où, comment peut-on juger de la forme du corps de « ses élèves » français ?

Avant toute chose, il serait judicieux de poser la définition d’Aunkai et, de détailler toutes les subtilités que son fondateur y a incluses. Cela nous permettrait, à condition de choisir un exemple représentatif, de débattre sur une quelconque prédominance dans la forme du corps de ses pratiquants, de ses élèves français. Ensuite, il va nous falloir donner la définition du terme « raideur » puis de préciser de ce qu’on sous entends par « un pratiquant raide ».

Mais sans aller jusqu’à là, répondre sur ces points à la place d’Akuzawa serait de la prétention qui frôlerais l’insolence, laissant sous-entendre que nous nous plaçons au-dessus de lui. Il serait donc préférable d’isoler, si toute fois cela est possible, les expressions définissant la pratique d’Aunkai, ainsi que de choisir parmi ses élèves ceux qui seraient susceptibles de les représenter, sans pour autant oublier d’analyser leurs parcours et, le temps qu’ils ont pu consacrer à leur pratique d’Aunkai, qu’elle soit entière où complémentaire.

Comme il a été énoncé par Akuzawa lui-même, Aunkai c’est un bujutsu tanren. La traduction littérale en serait : la forge du corps par des techniques guerrières. La définition ainsi posé, toute prétention mise à part, a au moins le mérite d’être claire. On conditionne son corps par une pratique profonde, pleinement investie dans l’effort et, par une répétition incessante, nécessaire à un changement dans l’expression corporelle favorisant la purge « des impuretés » (habitudes, blocages et autres conditionnements) au travers de certaines techniques issues du panel technique des guerriers d’antan.

Une précision s’avère nécessaire dans le nom lui-même, car elle peut contribuer à éclairer si ce n’est à orienter la présente réflexion. Le nom de la discipline elle-même : Aunkai, dans laquelle il s’agirait de soustraire le « kai », association où plutôt union dans le cas présent, de A et de UN. Autres noms du dur et du souple comme le GO et le JU, où l’union d’actions ou d’éléments opposés. A l’instar du soleil et de la lune, un des emblèmes choisi par Akuzawa pour spécifier son style.

Comme dis précédemment, il s’agit de travailler sur soi. En pratiquant un quasi essorage de mauvaises habitudes corporelles accumulées après des années de pratique. Au travers des tanren (1), exercices ludiques permettant de modifier la structure (2) Modifications qui mettent l’accent sur l’importance d’utilisation de certains principes communs à toute pratique véritablement martiale. Donc forcément antagoniste aux exercices corporels habituellement utilisés dans une pratique contemporaine. Tout ceci amenant un changement significatif dans l’utilisation du corps, pouvant, comme dans le cas d’Akuzawa, être appelé « se mouvoir comme un dragon ».

Se mouvoir en continu, avancer sur l’adversaire, garder l’équilibre (interne et externe) dans n’importe qu’elle position, être connecté, avoir une structure unifiée, perturber celle de l’adversaire, accepter la pression exercée pour la « recycler », absorber et régénérer la force de l’adversaire… Voici quelques-unes des spécificités parmi d’autres, définissant la pratique d’Aunkai.

Mais je dois avouer, que par moment des notions telles que « frame » traduit par armature ou structure, perturbent la bonne compréhension de la discipline. Cela vient du fait que nous utilisons la traduction anglaise d’une terminologie japonaise pour expliquer les notions de base d’Aunkai. Cela ne tient qu’au fait qu’Akuzawa senseï à commencé à utiliser certains termes anglophones pour tenter de se faire comprendre auprès de ses élèves étrangers. Et, a repris tout naturellement cette terminologie auprès de ses élèves français.

Revenons maintenant aux pratiquants français.

Cela va faire bientôt cinq ans qu’Akuzawa viens en France et, nombreux furent les pratiquants à fréquenter ses stages. Depuis quelque temps, avec la mise en place d’une « formation instructeurs », terminologie mal adapté pour nommer une formation intensive en cercle restreint. En fait, une véritable « Master class » (classe de maître) même si certains participants ont décidés de se présenter à l’examen d’instructeurs pour contribuer à une diffusion plus large d’Aunkai. Stages particuliers donc, qui ont permis un rassemblement suivi d’un groupe. Groupe d’élèves dont les participants proviennent des disciplines multiples et avec un certain, voir un grand nombre d’années de pratique derrière eux pour certains.

Mais tous ont été attirés par les mêmes choses. Ils ont vu, ou ont cru voir (laissant le bénéfice du doute) dans l’Aunkai, quelque chose dont leur pratique personnelle faisait défaut et, ils ont compris à travers leurs corps dans quelle direction il fallait porter ses efforts.

Je trouve par contre qu’il est nécessaire de différencier dans « ce groupe », des élèves de la formation cité précédemment de ceux qui se réclament et sont considérés comme ses élèves, car certains viennent « pour s’abreuver » auprès d’un maître, chose toute légitime et parfaitement compréhensible, comme ils le font auprès des autres. Et, de ceux qui viennent, suivent un cursus parce qu’ils ont simplement la possibilité d’être présent auprès d’un maître en vogue. Espérant une « révélation » soudaine par le simple fait de leur présence, sans aucune remise en question, travail soutenu ni recherche personnelle.

Finalement, rien d’extraordinaire par rapport aux autres tendances, écoles et maîtres évoluant en France ou à l’étranger.

Passant donc en revue maintenant la définition du « raide ».

On entend généralement par « raide » ce qui est très tendu, à la peine à être plié et, qui manque de souplesse.

Y’a-t-il donc un Aunkai raide comme il y’aurait un Aunkai souple ?

Certainement pas. Aujourd’hui, Aunkai c’est Akuzawa, là-dessus tout le monde sera d’accord. Il n’en sera pas autrement jusqu’à une future, éventuelle, passation de pouvoir. Qui est loin d’être proche vu le jeune âge de son fondateur. Et, même si sa pratique, son expression dans celle-ci risque d’évoluer, de se modifier ou plutôt de s’affiner dans le temps, elle n’en restera pas pour autant sienne ; souple, fluide et puissante (voir terrifiante pour certains).

Un pratiquant raide serait donc quelqu’un de crispé, bougeant sans fluidité avec des gestes saccadés, se déplaçant d’une manière tendue et violente.

Sans vouloir être insultant, c’est l’image de beaucoup de pratiquants d’Arts Martiaux aujourd’hui. Et, même à des degrés avancés et pratiquant des styles à consonance souple et fluide. Mais un style, une école (une ryû)  est une concentration particulière des principes préalablement définis alors qu’un pratiquant, le disciple (celui qui suit un enseignement) n’est avant tout que le reflet de son propre vécu et de sa compréhension immédiate de la chose.

La critique, appliqué à toute expression corporelle différente de la sienne, est facile autant que la compréhension et l’application de certains principes est délicate, voir difficile pour tous ceux qui n’en ont pas saisie le contenu.

Pour conclure, je dirais qu’il ne faut pas mélanger des participants aux stages avec des pratiquants d’une école. Même si certains peuvent ou semble être raides, car s’ils pratiquent c’est justement dans le but de s’améliorer.

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(1) Le tan de tanren 鍛錬, pour le forgeron, le fabricant de katana, c’est marteler le fer et le tremper. Le chauffer de nouveau, le marteler encore, le tremper de nouveau. Donc cet exercice sous entends l’idée de se fortifier, se discipliner.
Le ren de tanren 鍛錬, signifie pétrir. Et on pétri le métal en le chauffant, le laissant refroidir puis le frappant de nouveau pour lui faire changer de forme. Donc plutôt qu’exercice c’est une répétition inlassable,incessante….

(2) Une structure désigne l’agencement des différents éléments constitutifs d’un ensemble.
Certes, cette articulation adaptera sa forme en fonction d’un ou de buts, d’un ou d’effets recherchés, mais la structure demeure intangible à elle-même à défaut de quoi elle n’est plus une structure, mais cela ne signifie nullement que ce soit une forme rigide, fixe et inamovible. [source]

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